La
Communication facilitée (CF) est une méthode de
communication susceptible
d’aider des personnes présentant des handicaps
affectant la parole, le langage
et la communication, à pointer des images, mots, ou lettres
d’un clavier grâce
au soutien moteur de sa main, de son avant-bras, ou de son coude, par
un
partenaire de communication, appelé
« facilitant.e». La question de savoir
qui, du patient et/ou du facilitant, communique vraiment, est cruciale
pour
juger de la validité de cette méthode, qui reste
encore massivement décriée au
plan scientifique et rejetée au plan
médico-social. Pour répondre à cette
question, en utilisant un protocole
d’accélérométrie, nous avons
démontré la
contribution motrice de BL, un adolescent autiste de 17 ans atteint de
surdité congénitale,
dans la production conjointe de textes écrits en CF avec son
éducatrice
facilitante (Faure et al., Frontiers Psychiatry,
2021). Nous
proposons ici une étude clinique observationnelle
complémentaire, basée sur
l’analyse fine de séances de CF entre ces deux
mêmes protagonistes. Notre but
est de mettre en évidence des corrélations entre
les textes produits par le
patient et/ou sa facilitante, et des indices cliniques observables chez
le
patient, qui pourraient attester son agentivité,
c’est-à-dire sa faculté
d’action et sa conscience d’être acteur
dans la production des mots/phrases
écrits. Nous avons
filmé 5 séances de CF sur une période
de 5 mois, dans une pièce calme d’un
institut médico-éducatif, à
l’aide de 2 caméras, la première
dirigée vers les
visages et le corps de BL et de sa facilitante, la seconde vers leurs
bras,
leurs mains, et le clavier d’ordinateur. Parmi ces 5
séances, nous avons
sélectionné 12 séquences
représentatives des différents contextes des
séances,
des différents types de soutien moteur exercés
par la facilitante, et de la diversité des
expressions corporelles, faciales, gestuelles, émotionnelles
de BL. L’analyse
fine de ces 12 séquences vidéo met en
évidence de nombreuses corrélations entre
le contenu des textes co-écrits d’une part, et
d’autre part une riche palette
de mimiques, sons, gestes et comportements émotionnels et
intentionnels
observables chez BL. Par ailleurs, une mesure des durées de
fixations oculaires
de BL montre que, durant la frappe en CF ou seul, BL distribue son
regard entre
le clavier (76% du temps) et l’écran
d’ordinateur (24% du temps).
Ces corrélations entre
texte et clinique ainsi que les temps de fixations oculaires vers
l’écran et le clavier durant la frappe, montrent
que le patient est acteur dans
la production conjointe des messages écrits, et
qu’il semble être conscient
d’en être le co-auteur. Nos observations cliniques
confirment nos résultats
accélérométriques
précédents. Ces résultats dans leur
ensemble confortent ceux
d’études publiées ces
dernières années montrant
l’agentivité de certains
patients autistes lors de l’écriture en CF. La
Communication facilitée doit faire l’objet
d’un nouveau regard, critique et
sceptique mais ouvert et sans a priori, conduisant
d’autres chercheurs à
en étudier l’intérêt et les
limites, et aux cliniciens de la proposer
éventuellement comme outil augmentatif ou alternatif de
communication à certains
de leurs patients. Mots-clés :
Communication facilitée ; autisme ;
observation vidéo;
coproduction ; corrélations
texte-clinique ; agentivité. |
Description vidéo 1 :
Dans
cette séquence
introductive de 40 secondes, extraite du début de la 1ère
séance
expérimentale, on voit la facilitante qui oriente le visage
de BL vers elle, et lui explique
oralement et
avec la Langue des Signes Française : Elle attend la réponse
de BL qui, après avoir repris en miroir
les
signes
désignant « Monsieur »
(moustache), puis
«aimerait», puis
« lire » puis
« entendre », BL
fait
deux-trois subtils
hochements de tête, et un geste de sa main gauche de
haut en
bas à deux
reprises. Elle confirme : Tu es
d'accord ? bon, ça va."
Elle
lit le texte à haute voix : |
Commentaire Il
nous faut souligner que durant les trois années qui ont
précédé cette
recherche, cette éducatrice
spécialisée ne lisait pas les textes
tapés à voix haute avec BL puisqu'il est sourd
profond, non verbal, avec
troubles autistiques. Nous
relevons aussi une concordance observable entre le contenu du texte
écrit : « la
forme me vient quand je tape en cf »,
et d’autre part, après un bref regard de BL vers
le
chercheur (derrière la
caméra), un petit sourire, probablement de satisfaction,
à la lecture de ce message positif qui inaugure cette
première séance
expérimentale. |
Dans
cette séquence vidéo de 31 secondes extraite de
la 1ère
séance expérimentale, on voit BL et MT finir de
taper un message en CF, avec
soutien de la main. BL regarde le clavier en continu. MT relit ce
message : 12:49_
Pour
moi ca va
bien
_13:03 13:06_
Vis-à-vis
des
cameras c est tres bien aussi
_13:45 . |
CommentaireOn
relève dans cette séquence plusieurs
corrélations observables entre le texte
qui exprime la satisfaction de BL (personnelle et vis-à-vis
des caméras) et ses
manifestations de joie, telles que son expression faciale
très souriante, et son comportement
moteur expressif
(le signe OK, pouce en l’air, qui est à la
fois conventionnel en LSF, et omniprésent sur Internet
(like), sur lequel BL surfe
sur ses temps de loisirs). On
relève aussi une corrélation analysée,
entre le texte écrit et
le contexte de la séance puisque, juste
avant, BL avait questionné le chercheur sur
ce que filmaient les caméras :
10:48 Particularite de cette camrra
je voudrai savoir ce qu elle filme
11:51 Le chercheur lui répondant à l’oral que les caméras filmaient l’une les visages et l’autre les mains, et MT avait traduit cette réponse à BL en LSF. |
Description
vidéo
3 :
Dans
cette séquence de 50 secondes extraite de la
première séance
expérimentale, on voit BL et MT finir de taper une phrase en
CF (main sur
main). On entend quelques petits cris en arrière-plan. Puis
MT relit la phrase: 25:52_
Pour
que je sois a
l aise je dois toujours passer par la cf qui me soulage et m apporte le
bien
etre La
valeur de (prénom de BL) en depend
_28:11 Pendant qu’elle relit, BL fait différentes mimiques, puis il sourit au moment où elle lit « la valeur de (prénom) en dépend ». Puis BL, regarde attentivement l'écran, montre du doigt son prénom à l’écran, puis se montre et regarde le chercheur et la facilitante. En retour la facilitante montre le prénom du facilité sur l'écran puis le désigne du doigt. BL regarde le chercheur, sourit, reprend la CF avec MT, et sourit à nouveau. |
CommentaireOn
souligne dans cette séquence des corrélations
observables entre
le texte écrit, très chargé
émotionnellement, et différentes manifestations
motrices et émotionnelles chez BL: le comportement
de pointage déclaratif de
son prénom dans le texte à
l’écran, suivi d’un comportement
d’autodésignation,
suivis de regards adressés au chercheur, de sourires, de
mimiques appuyées, et de
hochements de tête. Par cette succession temporelle du pointage de son prénom et de son autodésignation, BL veut montrer qu’il est bien la personne dont le prénom est écrit à l’écran, et ainsi affirmer son agentivité. Une fois reconnu par MT dans cette affirmation, il exprime une grande satisfaction, visible encore à la reprise de la frappe. |
Description
vidéo
4 :
Dans
cette séquence de 32 secondes extraite du début
de
la seconde séance expérimentale, la
facilitante
lit le texte venant d’être écrit en
CF : 06:55_
Je
suis prêt a
faire ce qu on me demande pour participer
_07:47 Elle
propose oralement à BL d'éloigner le soutien de
sa main pour
écrire en CF (sur demande préalable du chercheur
et en accord avec elle), BL
fait de discrètes mimiques, qui semblent interrogatives,
puis quand MT soutient
son avant-bras, il esquisse un discret sourire, il fléchit
l’index, et se
tourne vers l’écran, et commence à
taper, lentement, en regardant le clavier
avant de taper chaque lettre, puis en regardant
l’écran après chaque frappe. MT
lit ce qui est écrit : 8 :48_
Oui
_09 :00 Puis MT dit « Allez, vas-y », puis « Bravo » au moment de taper la touche Entrée. Puis la frappe reprend. |
CommentaireOn
souligne ici une corrélation observable entre le contenu du
message écrit
(« oui ») qui traduit
l’assentiment de BL d’être
soutenu différemment de l’habitude, et son
attitude posturale disponible pour
taper avec ce soutien sous l’avant-bras, un léger
fléchissement volontaire de
l’index, ses yeux légèrement
plissés, avec un petit sourire. On
souligne aussi, du fait du recul du soutien physique (sous
l’avant-bras) de BL, un ralentissement de la vitesse de
frappe sur les touches
du clavier, en même temps qu’un contrôle
important du regard sur les touches du
clavier avant la frappe et d’un contrôle sur
l’écran après la frappe. On
relève aussi une corrélation analysée
entre ce ralentissement
de la frappe, le contrôle visuel et moteur accru de BL, et la
phrase écrite dans
la suite de cette séquence en soutien
éloigné de la main : 09:04_ Volonte de t aider mais tres difficile _11:16 |
Description
vidéo
5 :
Dans
cette
séquence vidéo de 52 secondes, extraite de la fin
de la seconde séance
expérimentale, on voit BL le tronc et la tête
penchés en avant, il fait une
mimique avec léger hochement de tête ; puis la
facilitante lit la phrase écrite avec
BL en CF : 35:19_
Grande
envie de
continuer mais aujourd hui je suis un peu fatigue
_36:30 Puis en souriant elle dit : "On peut continuer un petit peu et quand tu veux on s'arrête... d'accord ? OK ? ". Elle repositionne la main du facilité et se place en position d'écrire mais celui-ci, en souriant, étend son bras vers la droite, et ceci à deux reprises. En réaction, MT dit en souriant « tu t’amuses ?!... canaille !» et chatouille BL, provoquant chez lui comme des « gloussements » de joie, puis BL reprend l’écriture en émettant encore quelques sons identiques, en souriant et hochant la tête. |
CommentaireOn souligne dans cette séquence plusieurs corrélations observables entre d’une part, le texte exprimant à la fois une envie de continuer la séance, et une fatigue pour le faire, et, d’autre part, sa posture voutée indiquant clairement une fatigue en cette fin de séance. Cette ambivalence (envie vs fatigue) se traduit par un comportement humoristique intentionnel consistant à tendre son avant-bras pour empêcher la poursuite de l’écriture, puis l’intense expression mimique, vocale et motrice de joie de sa propre blague et de la réaction de sa facilitante rentrant dans ce jeu interactif amusant |
.
Description
vidéo
6 :
Dans
cette séquence de 43 secondes extraite du début
de la 3ème
séance expérimentale, le père de BL
est exceptionnellement présent. La
facilitante dit à BL: « on lui a dit
déjà ». Puis elle lit le texte
écrit en CF : 10:39_
Dis
a pazpa que je
suis content qu il soit la
_11:16 Elle se tourne vers le papa, et dit en souriant « il apprécie hein ! », elle se retourne vers BL, qui la regarde en souriant, et lui dit : « ton papa, il s’intéresse aussi à ce que tu fais ». BL regarde la facilitante (à 11:29) en prenant une inspiration, puis soulève plusieurs fois les sourcils, puis regarde son père en souriant, puis regarde à nouveau la facilitante, en tirant la langue et en l’agitant de haut en bas tout en papillonnant des yeux durant 2 secondes, puis regarde rapidement dans la direction du père. La facilitante lui dit « Allez, arrête de faire le clown » en lui frottant la main et ils reprennent la position de facilitation devant le clavier, BL reste en suspens quelques secondes, puis reprend la frappe. |
CommentaireOn
souligne ici des corrélations observables entre le
texte
qui exprime la joie de BL quant à la présence de
son père dans cette séance, et
la succession de regards en direction de son père, de
mimiques joyeuses, mais
aussi de grimaces/pitreries. On note aussi une corrélation analysée entre la manière humoristique d’exprimer ici sa tension émotionnelle, et/ou de se rendre intéressant/drôle par des grimaces (papillonnement des yeux et agitation de la langue), et le plaisir qu’il éprouve en regardant et exécutant les grimaces de Mr Bean (héros comique qu’il affectionne particulièrement, voir description clinique de BL et Vidéo 11). |
Description
vidéo
7 :
Dans
cette séquence de 26 secondes extraite de la 3ème
séance
expérimentale, on voit BL et MT finir de taper une phrase. MT la
relit à haute voix: 14:37_
Grande
envie de
crier a tous (prénom de BL) est intelligent mais c'est
difficile de le montrer
_15:53 Avant et pendant la lecture, BL fait une longue grimace de tension du bas du visage (mâchoire contractée, joues gonflées), qui se résout en un sourire. BL, encore souriant, se tourne vers son père, puis prend un air sérieux. Une fois la lecture finie, MT et BL se regardent, BL sourit de tout le visage, et la frappe reprend. |
Commentaire :On relève plusieurs corrélations observables, entre l’écrit à forte charge émotionnelle, et les regards intentionnels vers son père et sa facilitante, et son expression émotionnelle subtile et multiforme, faite d’une tension intérieure, d’une certaine satisfaction, et possiblement d’une certaine fierté. |
Description
vidéo
8 :
Dans
cette séquence de 47 secondes extraite de la 3ème
séance
expérimentale, on voit BL et MT finir de taper un message en
CF. BL a le visage
assez souriant, attentif au clavier et à
l’écran. Puis la facilitante lit à
haute voix la phrase à
l’écran : 26:12_
Vive
emotion m
envahit mazis je sens papa perturbe
_26:59 La
facilitante se tourne vers BL, et dit
« C’est normal, papa
il a pas l’habitude », avec une voix assez
forte, puis d’une voix plus confidentielle
« C’est normal que ça le
perturbe un peu ». Dès
que MT commence à lui parler, et pendant tout le temps
où elle
s’adresse à lui, BL est très souriant,
lève et abaisse ses sourcils à plusieurs
reprises, penche la tête de côté. MT
le questionne : « c’est quoi
ça, ça veut dire quoi,
ça, hein ? », en souriant,
d’un ton amusé,
d’incompréhension, et
peut-être de gentil reproche. Elle regarde l’écran en voulant reprendre, mais BL continue de la regarder en souriant, puis regarde la caméra ou le chercheur. Elle dit : « Allez on continue ? », BL jette un regard vers son père (ou le chercheur), avant de reprendre la frappe, en montrant encore des mimiques de tension du visage qui semblent involontaires et non dirigées. |
Commentaire :On
relève dans cette séquence une
corrélation observable entre les deux parties de
la phrase écrite, le fort contenu émotionnel de
la première (« Vive
emotion m envahit »), le contenu
empathique de la seconde (« mazis
je sens papa perturbe ») et
d’autre part, les mimiques faciales,
exprimant à la fois une joie intense (grand sourire), et un
jeu mimique facial
prolongé avec MT, puis des regards vers son père
(comme pour voir l’effet
produit ? ou vérifier son sentiment ?). Cette
corrélation est renforcée par le contenu de la
phrase suivante
qui commence à être tapée à
la fin de
cette séquence : 27:27_
Je
suis tellement content que je fais des bêtises mais je suis
pas bête
_28:33 Cette phrase permet de comprendre a posteriori les grimaces et pitreries effectuées par BL au cours de cette 3ème séance où son père est présent. Elle montre aussi chez lui une forme de détresse de ne pouvoir contrôler son débordement émotionnel. Cette détresse sera encore signifiée dans la phrase de la séquence suivante. |
Description
vidéo
9 :
Dans
cette séquence de 50 secondes, extraite de la fin de la 3ème
séance
expérimentale, la facilitante relit la dernière
phrase écrite avec BL : 46:13_
C'est
à la fois
amusant et pitoyable mais je sais que le jour viendra ou je serai
apprécié
_47:57 Puis MT se tourne vers BL, celui-ci se tourne aussitôt vers elle, sourit largement et durablement, lève ses sourcils, plisse le front, et fait le signe OK pouce levé, MT fait le même signe OK pouce levé et lui demande « c’est bien ? on s’arrête ? », BL inspire et expire fortement, MT dit « allez on s’arrête», BL fait deux brefs mouvements des bras et mains de haut en bas, puis s'étire sur sa chaise, met ses mains derrière la tête, continue de sourire, regarde la caméra avec insistance, s’étire, puis son corps et son visage se détendent, MT dit : « Voilà » et se tourne vers le père, puis BL émet un bruit, fait une grimace (bouche tordue) et se tourne brusquement vers la droite, puis se penche en avant, en regardant avec insistance son père, puis il jette un rapide coup d'oeil vers le chercheur et la caméra filmant les visages. |
Commentaire :On
souligne dans cette séquence de nombreuses
corrélations observables entre d’une
part, le texte écrit en CF qui exprime d’abord des
sentiments ambivalents à son
propre égard (amusant/pitoyable), puis un sentiment de
confiance dans le fait
qu’on l’appréciera, et d’autre
part, le geste intentionnel (pouce levé) et les
nombreuses manifestations faciales émotionnelles de
contentement de BL. On retrouve
au même moment des manifestations corporelles
d’effort fourni (tensions du
visage, inspiration/expiration de détente) et de fatigue
(étirements
prolongés), puis recherche de détente
complète (bras au-dessus de la tête,
visage apaisé et légèrement souriant
et corps détendu), en cette fin de séance
de 48 minutes, puis des manifestations corporelles de diffusion
tonico-émotionnelle
et de satisfaction de l’effort fourni. On souligne aussi les
regards d’assurance
et/ou de recherche d’approbation vers les observateurs et les
caméras, après
cette séance très intense
émotionnellement. On relève aussi une corrélation analysée, entre cette phrase qui conclut la séance, le regard de BL dirigé vers son père, et la thématique principale de cette séance à laquelle son père participait exceptionnellement. Ce regard semble interrogateur sur l’effet produit par cette séance sur son père, et vise peut-être à vérifier son sentiment exprimé juste avant (selon lequel son père serait perturbé par ce qu’il observe). |
Description
vidéo
10 :
Dans
cette séquence de 1 minutes 22 secondes extraite du
début de la 4ème
séance expérimentale, à la demande du
chercheur, la facilitante propose à nouveau
à BL d'écrire en CF de façon moins
soutenue. Elle lui explique verbalement en
le regardant et avec les gestes de la LSF, et aussi en lui montrant sur
lui,
qu'elle commencera à taper comme d’habitude (main
sur main), et ensuite reculera
son soutien sous l'avant-bras puis sous le coude, et elle lui demande
s'il est
d'accord. BL, regardant la facilitante, répond en hochant la
tête et en LSF
qu’il est d’accord. La facilitante
s’installe, demande à BL de se pousser un
peu, « allez tu me donnes la
main », BL hoche encore la tête et
sourit puis sourit plus fort, tend son visage. La frappe commence, BL
émet un
son prolongé, regarde alternativement le clavier et
l’écran, puis ouvre la
bouche, aspire par la bouche et sourit largement, et ouvre/ferme la
bouche à
nouveau. MT lit le texte : 01:32_ Importance de faire avancer la cf _02:08 |
Commentaire :On
relève dans cette séquence une
corrélation observable entre la demande de la
facilitante exprimée verbalement et en LSF, et la
réponse positive de BL
exprimée corporellement et en LSF, qui montre
l’agentivité et la capacité
décisionnelle de BL. On
note une autre corrélation observable entre le texte en
train d’être écrit, son
attention soutenue au clavier et à
l’écran, et des manifestations vocales et
faciales émotionnelles de joie explicite. On note enfin une corrélation analysée entre cette réponse positive de BL, et le texte « Importance de faire avancer la cf », qui correspond à une motivation très importante de BL de participer à cette recherche, exprimée sous diverses formes lexicales lors de plusieurs séances. |
Description
vidéo
11 :
Dans cette séquence de 1 minute 09 secondes extraite de la fin de la 4ème séance expérimentale, le chercheur propose à la facilitante de demander à BL s’il veut écrire seul. Elle le fait, verbalement et en gestes LSF, mais dos tourné à la caméra. Puis elle s’installe debout derrière lui, et BL commence tout de suite à taper seul sur les touches du clavier. Il écrit seul : 51:18_ Mr bean._51:23, et se retourne aussitôt vers la facilitante en émettant deux rires, MT lit à voix peu audible Mr Bean ; BL sourit en montrant un ballon que l’on gonfle avec la bouche et qui éclate mais la facilitante lui demande de l’attention et traduit en signes ce qu'elle lui dit (à 51:31) « Ecoute-moi, toi, tu as envie de dire quelque chose pareil qu’avec la CF, tu penses, tu cherches quelque chose que tu tapes… tu veux, tu veux essayer ?... allez tu tapes… ». Il recommence à taper seul, corrige une erreur de frappe (« n » au lieu de « m ») puis se retourne vers la facilitante à _52:00_mini avec le pouce de la main droite tenu en l’air. La facilitante lit à voix basse « mini ». Puis BL se frotte les deux mains. |
Commentaire :On
souligne dans cette séquence la capacité de BL
à taper seul au
clavier des mots de son répertoire de centres
d’intérêts (cf. tableau 1), son
regard dirigé sur les touches du clavier avec correction
possible, et sa
capacité d'initiative pour signifier par écrit
les intérêts qui lui sont
propres et tenter de les partager avec son éducatrice. On
relève plusieurs corrélations
analysées entre le mot écrit
« Mr Bean », les mimes
intentionnels de gonflement d’un ballon qui
explose (scène de film de Mr Bean), ses manifestations
vocales et corporelles
de plaisir ; et l’écriture du second mot
« mini », qui paraît
incongru sauf si l'on connait bien les aventures de Mr Bean, personnage
comique
avec sa petite voiture jaune, une mini Cooper qu'il conduit parfois
dans un
fauteuil sur son toit. On assiste ici à une reproduction mimée de cet acteur populaire, apprécié chez les jeunes sourds non verbaux, communiquant par signes et mimes entre eux dans l’institution, mais aussi à l’expression d’intérêts spécifiques restreints de BL, marques de voitures, types de trains, etc. BL montre dans cette situation d’écriture en solo sa capacité évidente de corriger de lui-même une erreur de frappe quand il efface un « m » pour taper le « n » de « mini ». On voit ici, de façon incontestable, sa capacité décisionnelle, son contrôle de la lecture et celle du clavier. |
Description
vidéo
12 :
Dans
cette séquence d’1 minute 01, extraite de la 5ème
séance
expérimentale, on voit BL soutenu par sa facilitante en
dessous et au milieu de
l’avant-bras. La frappe est plus lente que lors du soutien
proximal de la main.
BL regarde exclusivement le clavier, il fait quelques mimiques
d’effort, hoche
la tête en souriant, puis ouvre la bouche en
émettant un son de contentement,
plisse les yeux, fait des mouvements visibles de flexion/extension de
l’index
vers les touches du clavier, puis émet 3 sons, et esquisse
un sourire. La
facilitante lit le texte écrit :
31:24_
On
peut jouer
aussi avec cf
_32:45
Elle ajoute : « ah, tu t’amuses bien aujourd’hui ». |
Commentaire :On
observe que le soutien sous l'avant-bras s’accompagne
d’un
ralentissement de la frappe, qu’il laisse libre
l’orientation de la main et de
l’index de BL, et permet de mieux distinguer ses mouvements
propres et son
indépendance dans le choix des lettres du clavier. On
distingue clairement
l’agentivité de BL dans ce choix des lettres. On souligne aussi une corrélation observable entre le texte écrit qui exprime le jeu (la liberté) permis par la CF, et plusieurs expressions faciales et vocales émotionnelles joyeuses de BL. |
La mesure des temps de fixation oculaire des textes montre que, pendant toute la durée de la frappe des lettres,