Qui frappe en Communication facilitée ?

12 vidéos en ressources complémentaires aux articles Preuve de la paternité des messages en Communication Facilitée
 Evidence of Authorship on Messages in Facilitated Communication A Case Report Using Accelerometry
une vidéo accompagnant ces articles (5mn05) webcontact01.free.fr/_/-Four samples-of-typing-.mp4
site d'informations http://recherche-en-communication-facilitee.fr

Résumé  de cet article en lien  Observations filmées en Communication facilitée

La Communication facilitée (CF) est une méthode de communication susceptible d’aider des personnes présentant des handicaps affectant la parole, le langage et la communication, à pointer des images, mots, ou lettres d’un clavier grâce au soutien moteur de sa main, de son avant-bras, ou de son coude, par un partenaire de communication, appelé « facilitant.e». La question de savoir qui, du patient et/ou du facilitant, communique vraiment, est cruciale pour juger de la validité de cette méthode, qui reste encore massivement décriée au plan scientifique et rejetée au plan médico-social. Pour répondre à cette question, en utilisant un protocole d’accélérométrie, nous avons démontré la contribution motrice de BL, un adolescent autiste de 17 ans atteint de surdité congénitale, dans la production conjointe de textes écrits en CF avec son éducatrice facilitante (Faure et al., Frontiers Psychiatry, 2021).

Nous proposons ici une étude clinique observationnelle complémentaire, basée sur l’analyse fine de séances de CF entre ces deux mêmes protagonistes. Notre but est de mettre en évidence des corrélations entre les textes produits par le patient et/ou sa facilitante, et des indices cliniques observables chez le patient, qui pourraient attester son agentivité, c’est-à-dire sa faculté d’action et sa conscience d’être acteur dans la production des mots/phrases écrits. 

Nous avons filmé 5 séances de CF sur une période de 5 mois, dans une pièce calme d’un institut médico-éducatif, à l’aide de 2 caméras, la première dirigée vers les visages et le corps de BL et de sa facilitante, la seconde vers leurs bras, leurs mains, et le clavier d’ordinateur. Parmi ces 5 séances, nous avons sélectionné 12 séquences représentatives des différents contextes des séances, des différents types de soutien moteur exercés par la facilitante, et de la diversité des expressions corporelles, faciales, gestuelles, émotionnelles de BL.

L’analyse fine de ces 12 séquences vidéo met en évidence de nombreuses corrélations entre le contenu des textes co-écrits d’une part, et d’autre part une riche palette de mimiques, sons, gestes et comportements émotionnels et intentionnels observables chez BL. Par ailleurs, une mesure des durées de fixations oculaires de BL montre que, durant la frappe en CF ou seul, BL distribue son regard entre le clavier (76% du temps) et l’écran d’ordinateur (24% du temps). 

Ces corrélations entre texte et clinique ainsi que les temps de fixations oculaires vers l’écran et le clavier durant la frappe, montrent que le patient est acteur dans la production conjointe des messages écrits, et qu’il semble être conscient d’en être le co-auteur. Nos observations cliniques confirment nos résultats accélérométriques précédents. Ces résultats dans leur ensemble confortent ceux d’études publiées ces dernières années montrant l’agentivité de certains patients autistes lors de l’écriture en CF.

La Communication facilitée doit faire l’objet d’un nouveau regard, critique et sceptique mais ouvert et sans a priori, conduisant d’autres chercheurs à en étudier l’intérêt et les limites, et aux cliniciens de la proposer éventuellement comme outil augmentatif ou alternatif de communication à certains de leurs patients.

Mots-clés : Communication facilitée ; autisme ; observation vidéo; coproduction ; corrélations texte-clinique ; agentivité.

Description vidéo 1 :

Dans cette séquence introductive de 40 secondes, extraite du début de la 1ère séance expérimentale, on voit la facilitante qui oriente le visage de BL vers elle, et lui explique oralement et avec  la Langue des Signes Française :
« Je veux te dire, hein, Monsieur, il aimerait qu'on lise, hein, le texte, pour entendre. Tu es d'accord ? ». 

Elle attend la réponse de BL qui, après avoir repris en miroir les signes désignant « Monsieur » (moustache), puis «aimerait», puis « lire » puis « entendre », BL fait deux-trois subtils hochements de tête, et un geste de sa main gauche de haut en bas à deux reprises. Elle confirme : Tu es d'accord ? bon, ça va."   Elle lit le texte à haute voix :
01:13_ La forme me vient quand je tape en cf _01:50   Au même moment, BL regarde la caméra/le chercheur et fait un petit sourire de côté, puis il regarde l’écran, et ils recommencent à taper en CF.

 

Commentaire

Il nous faut souligner que durant les trois années qui ont précédé cette recherche, cette éducatrice spécialisée ne lisait pas les textes tapés à voix haute avec BL puisqu'il est sourd profond, non verbal, avec troubles autistiques.
Il ne peut, à 16 ans, écrire seul que quelques mots isolés mais aucune phrase.
C'est le chercheur qui a demandé cette lecture à voix haute des textes écrits, pour mieux enregistrer les séances filmées. C’est donc la première fois que MT relit les textes à voix haute avec l’accord de BL. Nous notons aussi l’attention de BL vers le clavier et son geste intentionnel de la main gauche, effectué à deux reprises, donnant son accord pour la relecture des textes à voix haute par sa facilitante.

Nous relevons aussi une concordance observable entre le contenu du texte écrit : « la forme me vient quand je tape en cf », et d’autre part, après un bref regard de BL vers le chercheur (derrière la caméra), un petit sourire, probablement de satisfaction, à la lecture de ce message positif qui inaugure cette première séance expérimentale.

Notons enfin que MT retient l'attention de BL vers elle avec des gestes éducatifs habituels d'orientation du visage des jeunes sourds, pour faciliter la lecture labiale, en associant les signes LSF avec la désignation. Ceci doit rester présent à l'esprit des lecteurs et observateurs lors du visionnage des vidéos suivantes pour une juste compréhension du contexte spécifique des jeunes sourds et de cette recherche, ainsi que de la relation éducative spécifique pendant de longues années entre MT et cet adolescent sourd de naissance et muet, dont ses troubles importants des fonctions exécutives le prive de communiquer sa pensée. L'objectif du soutien en CF étant précisément de palier à cet handicap dyspraxique sévère par une assistance à l'écriture qui soit aussi éducative.
 


Description vidéo 2 :

Dans cette séquence vidéo de 31 secondes extraite de la 1ère séance expérimentale, on voit BL et MT finir de taper un message en CF, avec soutien de la main. BL regarde le clavier en continu. MT relit ce message :

12:49_ Pour moi ca va bien _13:03

13:06_ Vis-à-vis des cameras c est tres bien aussi _13:45 .

Au moment où MT commence à relire le texte, BL sourit, tout en regardant l'écran, puis lève le pouce en souriant plus fort, et regarde le chercheur puis la facilitante toujours en souriant, et reprend la frappe.

 

Commentaire

On relève dans cette séquence plusieurs corrélations observables entre le texte qui exprime la satisfaction de BL (personnelle et vis-à-vis des caméras) et ses manifestations de joie, telles que son expression faciale très souriante, et son comportement moteur expressif (le signe OK, pouce en l’air, qui est à la fois conventionnel en LSF, et omniprésent sur Internet (like), sur lequel BL surfe sur ses temps de loisirs).

On relève aussi une corrélation analysée, entre le texte écrit et le contexte de la séance puisque, juste avant, BL avait questionné le chercheur sur ce que filmaient les caméras : 10:48 Particularite de cette camrra je voudrai savoir ce qu elle filme 11:51

Le chercheur lui répondant à l’oral que les caméras filmaient l’une les visages et l’autre les mains, et MT avait traduit cette réponse à BL en LSF.

 

Description vidéo 3 :

Dans cette séquence de 50 secondes extraite de la première séance expérimentale, on voit BL et MT finir de taper une phrase en CF (main sur main). On entend quelques petits cris en arrière-plan. Puis MT relit la phrase:

25:52_ Pour que je sois a l aise je dois toujours passer par la cf qui me soulage et m apporte le bien etre  La valeur de (prénom de BL) en depend _28:11

Pendant qu’elle relit, BL fait différentes mimiques, puis il sourit au moment où elle lit « la valeur de (prénom) en dépend ». Puis BL, regarde attentivement l'écran, montre du doigt son prénom à l’écran, puis se montre et regarde le chercheur et la facilitante. En retour la facilitante montre le prénom du facilité sur l'écran puis le désigne du doigt. BL regarde le chercheur, sourit, reprend la CF avec MT, et sourit à nouveau.

 

 

Commentaire

On souligne dans cette séquence des corrélations observables entre le texte écrit, très chargé émotionnellement, et différentes manifestations motrices et émotionnelles chez BL: le comportement de pointage déclaratif de son prénom dans le texte à l’écran, suivi d’un comportement d’autodésignation, suivis de regards adressés au chercheur, de sourires, de mimiques appuyées, et de hochements de tête.

Par cette succession temporelle du pointage de son prénom et de son autodésignation, BL veut montrer qu’il est bien la personne dont le prénom est écrit à l’écran, et ainsi affirmer son agentivité. Une fois reconnu par MT dans cette affirmation, il exprime une grande satisfaction, visible encore à la reprise de la frappe.


Description vidéo 4 :

Dans cette séquence de 32 secondes extraite du début de la seconde séance expérimentale, la facilitante lit le texte venant d’être écrit en CF :

06:55_ Je suis prêt a faire ce qu on me demande pour participer _07:47

Elle propose oralement à BL d'éloigner le soutien de sa main pour écrire en CF (sur demande préalable du chercheur et en accord avec elle), BL fait de discrètes mimiques, qui semblent interrogatives, puis quand MT soutient son avant-bras, il esquisse un discret sourire, il fléchit l’index, et se tourne vers l’écran, et commence à taper, lentement, en regardant le clavier avant de taper chaque lettre, puis en regardant l’écran après chaque frappe. MT lit ce qui est écrit : 8 :48_ Oui _09 :00

Puis MT dit « Allez, vas-y », puis « Bravo » au moment de taper la touche Entrée. Puis la frappe reprend.

 

 

Commentaire

On souligne ici une corrélation observable entre le contenu du message écrit (« oui ») qui traduit l’assentiment de BL d’être soutenu différemment de l’habitude, et son attitude posturale disponible pour taper avec ce soutien sous l’avant-bras, un léger fléchissement volontaire de l’index, ses yeux légèrement plissés, avec un petit sourire.

On souligne aussi, du fait du recul du soutien physique (sous l’avant-bras) de BL, un ralentissement de la vitesse de frappe sur les touches du clavier, en même temps qu’un contrôle important du regard sur les touches du clavier avant la frappe et d’un contrôle sur l’écran après la frappe.

On relève aussi une corrélation analysée entre ce ralentissement de la frappe, le contrôle visuel et moteur accru de BL, et la phrase écrite dans la suite de cette séquence en soutien éloigné de la main :

09:04_ Volonte de t aider mais tres difficile _11:16

 
 

Description vidéo 5 :

Dans cette séquence vidéo de 52 secondes, extraite de la fin de la seconde séance expérimentale, on voit BL le tronc et la tête penchés en avant, il fait une mimique avec léger hochement de tête ; puis la facilitante lit la phrase écrite avec BL en CF :

35:19_ Grande envie de continuer mais aujourd hui je suis un peu fatigue _36:30

Puis en souriant elle dit : "On peut continuer un petit peu et quand tu veux on s'arrête... d'accord ? OK ? ". Elle repositionne la main du facilité et se place en position d'écrire mais celui-ci, en souriant, étend son bras vers la droite, et ceci à deux reprises. En réaction, MT dit en souriant « tu t’amuses ?!... canaille !» et chatouille BL, provoquant chez lui comme des « gloussements » de joie, puis BL reprend l’écriture en émettant encore quelques sons identiques, en souriant et hochant la tête.

 

 

Commentaire
On souligne dans cette séquence plusieurs corrélations observables entre d’une part, le texte exprimant à la fois une envie de continuer la séance, et une fatigue pour le faire, et, d’autre part, sa posture voutée indiquant clairement une fatigue en cette fin de séance. Cette ambivalence (envie vs fatigue) se traduit par un comportement humoristique intentionnel consistant à tendre son avant-bras pour empêcher la poursuite de l’écriture, puis l’intense expression mimique, vocale et motrice de joie de sa propre blague et de la réaction de sa facilitante rentrant dans ce jeu interactif amusant

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Description vidéo 6 :

Dans cette séquence de 43 secondes extraite du début de la 3ème séance expérimentale, le père de BL est exceptionnellement présent. La facilitante dit à BL: « on lui a dit déjà ». Puis elle lit le texte écrit en CF :

10:39_ Dis a pazpa que je suis content qu il soit la _11:16

Elle se tourne vers le papa, et dit en souriant « il apprécie hein ! », elle se retourne vers BL, qui la regarde en souriant, et lui dit : « ton papa, il s’intéresse aussi à ce que tu fais ». BL regarde la facilitante (à 11:29) en prenant une inspiration, puis soulève plusieurs fois les sourcils, puis regarde son père en souriant, puis regarde à nouveau la facilitante, en tirant la langue et en l’agitant de haut en bas tout en papillonnant des yeux durant 2 secondes, puis regarde rapidement dans la direction du père. La facilitante lui dit « Allez, arrête de faire le clown » en lui frottant la main et ils reprennent la position de facilitation devant le clavier, BL reste en suspens quelques secondes, puis reprend la frappe.

 

Commentaire

On souligne ici des corrélations observables entre le texte qui exprime la joie de BL quant à la présence de son père dans cette séance, et la succession de regards en direction de son père, de mimiques joyeuses, mais aussi de grimaces/pitreries.

On note aussi une corrélation analysée entre la manière humoristique d’exprimer ici sa tension émotionnelle, et/ou de se rendre intéressant/drôle par des grimaces (papillonnement des yeux et agitation de la langue), et le plaisir qu’il éprouve en regardant et exécutant les grimaces de Mr Bean (héros comique qu’il affectionne particulièrement, voir description clinique de BL et Vidéo 11).

 


Description vidéo 7 :

Dans cette séquence de 26 secondes extraite de la 3ème séance expérimentale, on voit BL et MT finir de taper une phrase.  MT la relit à haute voix:

14:37_ Grande envie de crier a tous (prénom de BL) est intelligent mais c'est difficile de le montrer _15:53

Avant et pendant la lecture, BL fait une longue grimace de tension du bas du visage (mâchoire contractée, joues gonflées), qui se résout en un sourire. BL, encore souriant, se tourne vers son père, puis prend un air sérieux. Une fois la lecture finie, MT et BL se regardent, BL sourit de tout le visage, et la frappe reprend.

 

 

Commentaire :
On relève plusieurs corrélations observables, entre l’écrit à forte charge émotionnelle, et les regards intentionnels vers son père et sa facilitante, et son expression émotionnelle subtile et multiforme, faite d’une tension intérieure, d’une certaine satisfaction, et possiblement d’une certaine fierté.


Description vidéo 8 :

Dans cette séquence de 47 secondes extraite de la 3ème séance expérimentale, on voit BL et MT finir de taper un message en CF. BL a le visage assez souriant, attentif au clavier et à l’écran. Puis la facilitante lit à haute voix la phrase à l’écran :

26:12_ Vive emotion m envahit mazis je sens papa perturbe _26:59

La facilitante se tourne vers BL, et dit « C’est normal, papa il a pas l’habitude », avec une voix assez forte, puis d’une voix plus confidentielle « C’est normal que ça le perturbe un peu ».

Dès que MT commence à lui parler, et pendant tout le temps où elle s’adresse à lui, BL est très souriant, lève et abaisse ses sourcils à plusieurs reprises, penche la tête de côté.

MT le questionne : « c’est quoi ça, ça veut dire quoi, ça, hein ? », en souriant, d’un ton amusé, d’incompréhension, et peut-être de gentil reproche.

Elle regarde l’écran en voulant reprendre, mais BL continue de la regarder en souriant, puis regarde la caméra ou le chercheur. Elle dit : « Allez on continue ? », BL jette un regard vers son père (ou le chercheur), avant de reprendre la frappe, en montrant encore des mimiques de tension du visage qui semblent involontaires et non dirigées.

 

 

 

Commentaire :

On relève dans cette séquence une corrélation observable entre les deux parties de la phrase écrite, le fort contenu émotionnel de la première (« Vive emotion m envahit »), le contenu empathique de la seconde (« mazis je sens papa perturbe ») et d’autre part, les mimiques faciales, exprimant à la fois une joie intense (grand sourire), et un jeu mimique facial prolongé avec MT, puis des regards vers son père (comme pour voir l’effet produit ? ou vérifier son sentiment ?).

Cette corrélation est renforcée par le contenu de la phrase suivante qui commence à être tapée à la fin de cette séquence :

27:27_ Je suis tellement content que je fais des bêtises mais je suis pas bête _28:33

Cette phrase permet de comprendre a posteriori les grimaces et pitreries effectuées par BL au cours de cette 3ème séance où son père est présent. Elle montre aussi chez lui une forme de détresse de ne pouvoir contrôler son débordement émotionnel. Cette détresse sera encore signifiée dans la phrase de la séquence suivante.


Description vidéo 9 :

Dans cette séquence de 50 secondes, extraite de la fin de la 3ème séance expérimentale, la facilitante relit la dernière phrase écrite avec BL :

46:13_ C'est à la fois amusant et pitoyable mais je sais que le jour viendra ou je serai apprécié _47:57

Puis MT se tourne vers BL, celui-ci se tourne aussitôt vers elle, sourit largement et durablement, lève ses sourcils, plisse le front, et fait le signe OK pouce levé, MT fait le même signe OK pouce levé et lui demande « c’est bien ? on s’arrête ? », BL inspire et expire fortement, MT dit « allez on s’arrête», BL fait deux brefs mouvements des bras et mains de haut en bas, puis s'étire sur sa chaise, met ses mains derrière la tête, continue de sourire, regarde la caméra avec insistance, s’étire, puis son corps et son visage se détendent, MT dit : « Voilà » et se tourne vers le père, puis BL émet un bruit, fait une grimace (bouche tordue) et se tourne brusquement vers la droite, puis se penche en avant, en regardant avec insistance son père, puis il jette un rapide coup d'oeil vers le chercheur et la caméra filmant les visages.

 

 

 

Commentaire :

On souligne dans cette séquence de nombreuses corrélations observables entre d’une part, le texte écrit en CF qui exprime d’abord des sentiments ambivalents à son propre égard (amusant/pitoyable), puis un sentiment de confiance dans le fait qu’on l’appréciera, et d’autre part, le geste intentionnel (pouce levé) et les nombreuses manifestations faciales émotionnelles de contentement de BL. On retrouve au même moment des manifestations corporelles d’effort fourni (tensions du visage, inspiration/expiration de détente) et de fatigue (étirements prolongés), puis recherche de détente complète (bras au-dessus de la tête, visage apaisé et légèrement souriant et corps détendu), en cette fin de séance de 48 minutes, puis des manifestations corporelles de diffusion tonico-émotionnelle et de satisfaction de l’effort fourni. On souligne aussi les regards d’assurance et/ou de recherche d’approbation vers les observateurs et les caméras, après cette séance très intense émotionnellement.

On relève aussi une corrélation analysée, entre cette phrase qui conclut la séance, le regard de BL dirigé vers son père, et la thématique principale de cette séance à laquelle son père participait exceptionnellement. Ce regard semble interrogateur sur l’effet produit par cette séance sur son père, et vise peut-être à vérifier son sentiment exprimé juste avant (selon lequel son père serait perturbé par ce qu’il observe).

 


Description vidéo 10 :

Dans cette séquence de 1 minutes 22 secondes extraite du début de la 4ème séance expérimentale, à la demande du chercheur, la facilitante propose à nouveau à BL d'écrire en CF de façon moins soutenue. Elle lui explique verbalement en le regardant et avec les gestes de la LSF, et aussi en lui montrant sur lui, qu'elle commencera à taper comme d’habitude (main sur main), et ensuite reculera son soutien sous l'avant-bras puis sous le coude, et elle lui demande s'il est d'accord. BL, regardant la facilitante, répond en hochant la tête et en LSF qu’il est d’accord. La facilitante s’installe, demande à BL de se pousser un peu, « allez tu me donnes la main », BL hoche encore la tête et sourit puis sourit plus fort, tend son visage. La frappe commence, BL émet un son prolongé, regarde alternativement le clavier et l’écran, puis ouvre la bouche, aspire par la bouche et sourit largement, et ouvre/ferme la bouche à nouveau.

MT lit le texte : 01:32_ Importance de faire avancer la cf _02:08

 

 

 

Commentaire :

On relève dans cette séquence une corrélation observable entre la demande de la facilitante exprimée verbalement et en LSF, et la réponse positive de BL exprimée corporellement et en LSF, qui montre l’agentivité et la capacité décisionnelle de BL.

On note une autre corrélation observable entre le texte en train d’être écrit, son attention soutenue au clavier et à l’écran, et des manifestations vocales et faciales émotionnelles de joie explicite.

On note enfin une corrélation analysée entre cette réponse positive de BL, et le texte « Importance de faire avancer la cf », qui correspond à une motivation très importante de BL de participer à cette recherche, exprimée sous diverses formes lexicales lors de plusieurs séances.

 


Description vidéo 11 :

Dans cette séquence de 1 minute 09 secondes extraite de la fin de la 4ème séance expérimentale, le chercheur propose à la facilitante de demander à BL s’il veut écrire seul. Elle le fait, verbalement et en gestes LSF, mais dos tourné à la caméra. Puis elle s’installe debout derrière lui, et BL commence tout de suite à taper seul sur les touches du clavier. Il écrit seul : 51:18_ Mr bean._51:23, et se retourne aussitôt vers la facilitante en émettant deux rires, MT lit à voix peu audible Mr Bean ; BL sourit en montrant un ballon que l’on gonfle avec la bouche et qui éclate mais la facilitante lui demande de l’attention et traduit en signes ce qu'elle lui dit (à 51:31) « Ecoute-moi, toi, tu as envie de dire quelque chose pareil qu’avec la CF, tu penses, tu cherches quelque chose que tu tapes… tu veux, tu veux essayer ?... allez tu tapes… ». Il recommence à taper seul, corrige une erreur de frappe (« n » au lieu de « m ») puis se retourne vers la facilitante à _52:00_mini avec le pouce de la main droite tenu en l’air. La facilitante lit à voix basse « mini ». Puis BL se frotte les deux mains.

 

 

Commentaire :

On souligne dans cette séquence la capacité de BL à taper seul au clavier des mots de son répertoire de centres d’intérêts (cf. tableau 1), son regard dirigé sur les touches du clavier avec correction possible, et sa capacité d'initiative pour signifier par écrit les intérêts qui lui sont propres et tenter de les partager avec son éducatrice.

On relève plusieurs corrélations analysées entre le mot écrit « Mr Bean », les mimes intentionnels de gonflement d’un ballon qui explose (scène de film de Mr Bean), ses manifestations vocales et corporelles de plaisir ; et l’écriture du second mot « mini », qui paraît incongru sauf si l'on connait bien les aventures de Mr Bean, personnage comique avec sa petite voiture jaune, une mini Cooper qu'il conduit parfois dans un fauteuil sur son toit.

On assiste ici à une reproduction mimée de cet acteur populaire, apprécié chez les jeunes sourds non verbaux, communiquant par signes et mimes entre eux dans l’institution, mais aussi à l’expression d’intérêts spécifiques restreints de BL, marques de voitures, types de trains, etc. BL montre dans cette situation d’écriture en solo sa capacité évidente de corriger de lui-même une erreur de frappe quand il efface un « m » pour taper le « n » de « mini ». On voit ici, de façon incontestable, sa capacité décisionnelle, son contrôle de la lecture et celle du clavier. 

 

Description vidéo 12 :

Dans cette séquence d’1 minute 01, extraite de la 5ème séance expérimentale, on voit BL soutenu par sa facilitante en dessous et au milieu de l’avant-bras. La frappe est plus lente que lors du soutien proximal de la main. BL regarde exclusivement le clavier, il fait quelques mimiques d’effort, hoche la tête en souriant, puis ouvre la bouche en émettant un son de contentement, plisse les yeux, fait des mouvements visibles de flexion/extension de l’index vers les touches du clavier, puis émet 3 sons, et esquisse un sourire.

La facilitante lit le texte écrit : 31:24_ On peut jouer aussi avec cf _32:45

Elle ajoute : « ah, tu t’amuses bien aujourd’hui ».

 

 

Commentaire :

On observe que le soutien sous l'avant-bras s’accompagne d’un ralentissement de la frappe, qu’il laisse libre l’orientation de la main et de l’index de BL, et permet de mieux distinguer ses mouvements propres et son indépendance dans le choix des lettres du clavier. On distingue clairement l’agentivité de BL dans ce choix des lettres.

On souligne aussi une corrélation observable entre le texte écrit qui exprime le jeu (la liberté) permis par la CF, et plusieurs expressions faciales et vocales émotionnelles joyeuses de BL.

 

Extrait des résultats de l'article :                                  Observations filmées en Communication facilitée

 La mesure des temps de fixation oculaire des textes  montre que, pendant toute la durée de la frappe des lettres,

BL fixe le clavier 74% du temps, et contrôle à l’écran 26% du temps restant. Tableau des mesures.